Duane Michals, photographe narratif aux contours surréalistes
Photographe américain du XXe siècle, Duane Michals consacre une grande partie de son œuvre à la photographie narrative et amène le spectateur à s’interroger sur les questions de la perception grâce à des mises en scènes surréalistes.
“Je crois en l’imagination.”
Dans son travail, Duane Michals crée des récits par le biais de séquences photographiques illustrant différents thèmes tels que la mort, l’immortalité, l’amour, la vieillesse, le temps qui passe ou encore la nature. Il reconnaît d’ailleurs l’influence de Magritte dans ses mises en scènes surréalistes.
Plutôt que d’utiliser le texte pour expliquer ses photographies, Michals se sert de ce procédé pour donner de la voix à ses idées et ses pensées. Ce format joignant images et textes s’apparente aux séquences cinématographiques et est considéré comme une innovation.
Afin de mieux comprendre l’enjeu de son travail, nous vous proposons de décrypter la série Things Are Queer, réalisée en 1973 puisqu’elle recoupe tous les aspects que constitue le travail de Michals, à savoir : la séquence photographique, la photographie surréaliste, l’utilisation de l’écriture.
Things Are Queer
Constituée de neuf images, cette série remet en question le rationnel et la question de l’échelle. Il s’agit d’une mise en abyme constante : dans cette série, chaque nouvelle photographie fait démentir ce que nous avons observé sur la précédente.
La séquence commence avec cette image d’une salle de bain où l’on distingue un lavabo, une baignoire et des toilettes. En apparence, la photographie est banale. Une salle de bain, sans signe particulier.
Dans la seconde photographie, nous retrouvons le même décor dans lequel est apparu un pied “géant”. Ici, une première contradiction se fait remarquer. Celle-ci vient de la taille du pied qui est beaucoup plus grand que la taille de la salle de bains.
Le troisième cliché donne à voir un homme qui se tient pieds nus dans cette salle de bain miniature. L’échelle reste difficile à définir car l’homme semble être plus grand que le cadre de la photographie.
Cette quatrième photographie bouscule totalement la perception du spectateur. Le décor est finalement différent, et l’intrigue de cette séquence photographique ne se trouve plus -pas- dans une salle de bain mais au dessus de ce qui semble être la page d’un livre, tenue par un pouce de grande taille.
Sur la cinquième image, le plan présente un homme de dos, tenant le livre aperçu précédemment. L’échelle est une nouvelle fois confuse puisque ce livre semble étonnement petit comparé à son lecteur.
La sixième photographie s’éloigne de l’homme sur lequel l’objectif est fixé. Celle-ci, très simple, semble ne pas pouvoir livrer une nouvelle contradiction.
Dans ce septième cliché, l’objectif recule une nouvelle fois et l’image aperçue précédemment se retrouve dans un cadre.
La huitième photographie présente une fois encore cette même image se trouvant au dessus d’un lavabo.
Cette dernière photographie est identique à la première de la série Things are Queer. Cependant, le spectateur ne la verra pas de la même manière après avoir regardé les sept clichés intermédiaires. En effet, la mise en abyme permet de rendre compte du tableau au dessus du lavabo et tout le cheminement qui l’a occasionnée.
En définitive, les photographies de Duane Michals se caractérisent par une grande profondeur symbolique qui poussent le spectateur à se questionner en permanence.
De plus, la série Things Are Queer, ainsi que le reste du travail du photographe, permet de remettre en question la qualité première de la photographie, soit, restituer le réel et donner un aperçu du vrai. Ses clichés ne capturent pas un instant, mais créent une histoire.
Laurie Poznic
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